Selon les études dont nous disposons aujourd’hui, la méditation de pleine conscience (aussi connue sous les noms de MBSR et MBCT [1]) soulage les symptômes de stress et d’anxiété. Et si nous arrivons à des réductions notables des risques de rechute dépressive, je resterais pour ma part vigilante quant aux études encore en cours évoquant des résultats équivalents à ceux des antidépresseurs.
La méditation n’est en aucun cas une pilule miracle contre la dépression ou une technique de résolution de problème de plus, mais une démarche qui implique la personne de façon régulière et globale.
Pris par l’anxiété, notre esprit est toujours ailleurs
Un des facteurs communs au stress, à l’anxiété et à la dépression est celui de la rumination mentale : cette tendance à ressasser mentalement les événements passés, à anticiper à outrance les situations futures, à s’inquiéter, à penser à toutes sortes de choses tout le temps, autrement dit à penser « à la chaîne ». Pour le symboliser, on peut imaginer un petit vélo qui tourne en « non stop » dans la tête avec cette croyance que nous allons résoudre nos problèmes intellectuellement.
Or, nos pensées sont la plupart du temps répétitives, notre petit vélo tourne en boucle et en roue-libre. De cette façon, des cycles de pensées souvent négatives se chronicisent, s’auto-alimentent et finissent par valider le sentiment d’incapacité de la personne en la prédisposant à l’anxiété. C’est ce que l’on appelle « le pilote automatique » : le mental qui tourne au quart de tour, qui nous empêche de dormir par exemple, et plus globalement de faire acte de présence dans nos
Quand nous sommes à la maison, en famille par exemple, nous ressassons mentalement nos dossiers et problèmes professionnels, et inversement. Pris par l’anxiété, l’esprit est toujours ailleurs, préoccupé par autre chose. Notre vie se passe en partie sans nous, quelque part dans un avant ou un après mais pas maintenant. Notre quotidien se vide de sa substance.
Méditer, c’est cultiver un autre rapport à ses pensées
Une des raisons pour laquelle la méditation agit sur l’anxiété et les risques de rechute dépressive est qu’elle permet de quitter ces cercles vicieux ruminatifs. Il ne s’agit pas de ne plus penser mais de développer un autre rapport à son activité mentale : un rapport moins asservi et moins identifié, ce qui en diminue l’influence délétère.
Dans les années 1980, le professeur de médecine Jon Kabat-Zinn a crée un programme d’apprentissage de la méditation en huit semaines nommé MBSR (Mindfulness based stress reduction), avec cette idée centrale de rendre cette pédagogie accessible à tous. Une démarche basée avant tout sur l’expérience personnelle, sur l’observation et le ressenti. Sans besoin de se rattacher à une quelconque croyance idéologique ou religieuse.
Une des étapes centrales de cette approche est de prendre conscience de cette disposition à être en « pilote automatique » au niveau mental pour venir ré-habiter son corps et ses sensations dans le présent.
Par exemple, lorsque je bois du café, je peux ressentir sa saveur, la chaleur de la tasse et réincorporer de l’attention dans ce que je vis. À partir du moment où je ressens, je sors du seul domaine de la pensée.
Pour parler de manière plus imagée, c’est comme si l’on mettait des freins à notre petit vélo. Il s’agit d’un vrai acte de santé, d’une pause dans l’esprit qui s’emballe. Mais contrairement à ce qui est parfois véhiculé, la méditation ne met pas fin aux pensées, ce n’est pas un lavage de cerveau, le petit vélo tourne toujours mais on devient plus libre de monter dessus ou pas.
Les pratiques formelles et informelles de la pleine conscience
La méditation de pleine conscience comprend deux pratiques principales :
1. Ce que l’on appelle la pratique informelle, comme évoqué plus haut : des petits gestes que l’on insère dans sa vie quotidienne comme marcher en portant son attention sur ses sensations physiques, prendre quelques secondes derrière son écran pour ressentir les appuis de son corps sur sa chaise, prendre quelques respirations conscientes… Ces pratiques peuvent être réalisées dans les transports, entre deux coups de fils, deux rendez-vous ou dans une salle d’attente. Ceci afin d’identifier ses émotions, de ressentir son état, de donner une bulle d’oxygène à nos embouteillages mentaux et de renforcer notre capacité à être pleinement présent en resynchronisant le corps et l’esprit.
2. La pratique formelle : elle correspond à ces 30 minutes quotidiennes de méditation évoquées dans l’étude du « Journal of the American Medical Association » (JAMA). Il s’agit de prendre du temps pour ne « rien faire » de façon intentionnelle et attentionnelle : cesser d’être dans un rapport productif et évaluatif à nos vies. Tourner son attention vers l’intérieur, vers son souffle par exemple, vers son expérience corporelle, sonore, ou encore vers son expérience mentale et émotionnelle. Non pas pour réfléchir à ces sensations mais pour les ressentir, non pas pour penser davantage mais pour laisser se faire et se défaire le mouvement des pensées sans interagir avec elles. Pour laisser se faire et se défaire également les mouvements émotionnels, même inconfortables (comme la tristesse, la peur ou la colère) sans entrer en lutte avec cet état. Car quand une émotion est pleinement reconnue, quand on lui permet de faire partie de notre expérience sans y apposer de résistance, il y a de fortes chances pour qu’elle s’apaise, s’auto-régule et qu’elle soit moins influente.
Les pratiques informelles et formelles se complètent et s’alimentent l’une l’autre. Les premières apportent beaucoup mais ne suffisent pas. La méditation formelle doit être régulière. 30 minutes par jour sont conseillées. Le but n’est pas de faire plus mais de faire souvent. Il s’agit d’un entrainement de l’esprit dans lequel la répétition a tout autant d’importance que la durée.
La méditation invite à s’accepter tel que l’on est
De cette manière, la pleine conscience peut en effet avoir de vraies répercussions sur notre état de stress et d’anxiété. De surcroît parce que la pratique de la méditation invite à « lâcher prise » ; une notion devenue « fourre-tout » qui implique d’apprendre à vivre sans tout maîtriser ou résoudre, à vivre avec les aspects inconfortables ou non résolus de notre existence.
Car nous attendons bien souvent de nos vies qu’elles ne nous apportent que de la satisfaction. Or, cette vision des choses nous coupe de la réalité, qui elle est faite d’alternance entre des moments agréables, des moments neutres et inévitablement des moments désagréables. Toutes les richesses et thérapies du monde ne changerons jamais rien à cela.
Méditer, c’est aussi apprendre à circuler avec plus d’aisance dans les zones de turbulences, tout comme dans les zones neutres et favorables.
Enfin, si la méditation a des effets bénéfiques sur la santé psychologique, c’est aussi parce qu’elle invite à sortir du cercle vicieux de l’auto-dépréciation, cette tendance très répandue à se dévaloriser et à avoir des jugements très intransigeants envers soi-même. La méditation va nous apprendre à repérer ces cycles de pensées dépréciatives très entraînés et vécus comme des croyances pour ne plus s’y identifier. L’idée n’est pas de construire une identité plus narcissique, mais de développer un vrai sentiment d’amour propre basé sur l’acceptation de ses limites et le respect de soi.
La méditation n’est donc pas une technique qui résout tous les problèmes, mais une culture, dans le sens d’entraînement ; une façon d’entrer en relation avec ses intentions, ses émotions, ses pensées et plus largement avec toutes les situations de la vie. Il ne s’agit pas de méditer dans l’idée de devenir dans le futur une meilleure version de soi-même, plus parfaite et performante mais de commencer par s’accepter tel que l’on est dès maintenant.